BREF HISTORIQUE

   Dès l'an 1037, une charte du troisième souverain Capétien, Henri 1er , nous apprend indirectement que le Bois de Vincennes appartient déjà à la couronne (peut-être partiellement seulement?).

   Philippe-Auguste (1180-1223) y fait bâtir un premier manoir que ses sucesseurs complèteront et où ils résideront fréquemment.

   Au début de la guerre de Cent Ans, les Valois entreprennent l'édification d'un énorme donjon, à côté du manoir. Il disposera, en propre, d'une puissante enceinte de protection rapprochée ("la chemise"). Charles V (1364-1380) achèvera le chantier en ceinturant le tout par une gigantesque muraille  rectangulaire de mil mètres de long, renforcée par de très hautes tours et de larges et profondes douves pouvant, au besoin, être remplies d'eau.

     Charles V résidera fréquemment à Vincennes où il était d'ailleurs né : il s'y sentira plus en sécurité que dans la capitale. En effet, a il toujours conservé un horrible souvenir du massacre de deux de ses principaux conseillers, les maréchaux de Champagne et de Normandie, alors qu'ils se tenaient près de lui dans ses appartements du Palais de la Cité, à Paris.
 
 

    Du massacre des Maréchaux 
    de Champagne et de Normandie
    à 
    L'assassinat d'Etienne Marcel
         A cette époque, le titre de maréchal était porté par deux officiers de très haut rang, adjoints au Connétable, le chef de l'armée royale. 

         En 1356, pendant la guerre de Cent Ans, le roi Jean le Bon, battu à Poitiers, est fait prisonnier et emmené en Angleterre. Le jeune Dauphin (le futur Charles V), devient régent. Il est aussitôt confronté à Etienne Marcel, le Prévôt des Marchands de Paris représentant la bourgeoisie d'affaires désireuse de jouer un rôle politique plus important. 
       
         Le Prévôt cherche manifestement à s'emparer du pouvoir. Mais, pour cela, il lui faut préalablement éliminer les deux principaux conseillers du dauphin qui sont les Maréchaux de Champagne et de Normandie. Il demande donc au régent... de les lui livrer!!! 
       
         Devant le refus de celui-ci, Marcel déclanche une émeute et se présente avec ses partisans devant la porte du Palais de la Cité où séjournait alors le Dauphin. Les gardes ne veulent d'abord laisser entrer que le Prévôt et quelques uns de ses compagnons mais ils sont vite débordés; la foule des émeutiers en profite aussitôt pour envahir le Palais. Elle parvient jusqu'à la "Chambre du Roi" où se trouvent le régent entouré de son jeune frère, le duc du Berry, et des deux Maréchaux. 
       
         Marcel dit au dauphin qu'il n'a pas à avoir peur pour sa propre vie... bien que les émeutiers soient venus pour une "exécution"!!!  Et, immédiatement, sur un ordre du prévôt, le Maréchal de Champagne est assassiné... Son sang jaillit sur les vêtements  du régent et sur son "lit". Le Maréchal de Normandie tente de s'enfuir mais il est aussitôt rattrapé et massacré à son tour. Les deux corps sont traînés au travers des salles du palais par la populace qui finit par les abandonner sur une table de marbre où ils demeureront plusieurs jours... 
       

      Ci-dessous: 

      Détail d'une enluminure des Riches Heures du duc de Berry  
      représentant le 

      Palais royal de l'ile de La Cité (à Paris)
      où furent assassinés les maréchaux de Champagne et de Normandie, sous le regard du futur Charles V. 
         Cet édifice avait été reconstruit sous Philippe le Bel. 
       

      On identifie: 
      - dans l'angle supérieur droit : la Sainte Chapelle de Paris, édifiée sous Saint-Louis. 
      - dans l'angle supérieur gauche: les trois tours cylindriques de Bonbec, d'Argent et de César (reconnaissables grâce à leurs toitures coniques) et, un peu plus en retrait, la tour de l'horloge surmontée de son lanterneau (v. plus loin : "L'invention de l'horloge mécanique").

    Le reste des constructions visibles sur cette image n'existe plus aujourd'hui. 
     
    La vignette ci-dessous reproduit une enluminure illustrant l'assassinat des maréchaux. L'original fait partie d'une exposition virtuelle actuellement accessible sur le serveur de la Bibliothèque Nationale. 

    En cliquant sur cette vignette vous vous connecterez directement à ce serveur. Il vous affichera immédiatement l'original, grandeur nature, dans une nouvelle fenêtre. 

    Intéressant, non? 
     

    Pour retourner ensuite à la page présente, il vous suffira de cliquer sur la case de fermeture de cette nouvelle fenêtre.  

       Mais revenons au dauphin... Il parviendra, au bout de quelque temps, à s'enfuir de Paris. Quant à Marcel, en dépit des différents soutiens extérieurs qu'il recevra, en particulier ceux du roi de Navarre, Charles le Mauvais (le propre neveu de Jean le Bon!) il sera, à son tour, assassiné. Les partisans de son rival politique, Claude Maillart, le précipiteront dans le vide, du haut des remparts parisiens. 

    La vignette ci-dessous évoque ce nouvel assassinat. 
    En cliquant sur elle vous vous transporterez à la B.N. pour contempler l'original en grandeur nature. 
     
     




 

  Plus tard, lorsque que l'empereur d'Allemagne Charles IV, l'oncle de Charles V, viendra à Paris, il sera d'abord hébergé au Palais de la Cité.
 

 

Charles V (à droite) accueille le vieil empereur devant la porte Saint-Denis appartenant à la nouvelle enceinte qu'il a fait édifier autour de Paris. 

A l'extrême gauche: le donjon du Temple, situé dans l'est parisien. 

  Fouquet, peintre et enlumineur officiel de Louis XI, n'était pas encore né lors de la rencontre qu'il évoque. Et, en réalité, le brillant cortège mené par le roi de France a rencontré le souverain allemand et sa suite à mi-chemin entre la Chapelle Saint-Denis et la porte du même nom. Et c'est là seulement qu'il a enfourché un cheval. Car, fatigué, le vieil empereur avait précédemment voyagé allongé dans une litière portée par deux mules et que son neveu avait envoyée à sa rencontre. 

 

Cliquez sur la vignette représentant la litière pour agrandir cette... très surprenante image!!! 
 
 

   Mais assez rapidement, Charles V, préfèrera emmener son oncle à Vincennes...

   En 1380, le jeune Charles VI succède à son père. Comme lui, il réside habituellement à Vincennes. Hélas! La Guerre de Cent Ans a repris son cours et, profitant d'un conflit  qui oppose les princes du sang français, les anglais s'emparent de Paris. En 1420, le traité de Troyes livre la France au roi d'Angleterre, Henri V, qui s'installe à Vincennes où il mourra. Son fils Henri VI, sacré roi de France, l'y remplacera  en 1431.

   Ce n'est que cinq plus tard que les troupes de Charles VII (le petit fils de Charles V) reprendront Paris et Vincennes. Son successeur, Louis XI fréquentera le donjon.

   Mais les souverains du début de la Renaissance préfèreront séjourner dans leurs nouvelles résidences du Val de Loire.

   Charles IX retrouvera le chemin de la forteresse médiévale et y mourra: ses derniers instants seront hantés par les affreux souvenirs qu'il a gardés des massacres de la Saint-Barthélémy.

   Au 17ème siècle, la régente Marie de Médécis fait commencer le "Pavillon du Roi" sur la partie de la grande enceinte de Charles V située au sud du donjon. Elle y demeurera avec son fils, le jeune Louis XIII. En 1658, Mazarin achève la construction et fait élever, symétriquement, le "Pavillon de la Reine". En 1660, au retour de leur mariage, Louis XIV et Marie-Thérèse séjournent dans la nouvelle bâtisse magnifiquement décorée par le célèbre peintre Philippe de Champaigne...

   Puis le souverain charge  l'architecte Le Vau d'achever les transformations déjà entreprise sur toute la moitié sud du château médiéval qui deviendra alors un bel ensemble de style classique.  La tour du Bois sera partiellement arasée et transformée en une monumentale porte d'entrée, en forme d'arc de triomphe. Les deux pans de la grande enceinte de Charles V qui l'encadraient seront également mis au goût du jour et métamorphosés en une élégante arcade. Enfin, une seconde arcade, assortie à la première, viendra compléter le tout et délimitera la nouvelle zone ainsi aménagée, mais sans pour autant masquer la partie médiévale subsistant dans la moitié "nord".
 
 

Ci-dessous :
Le Château de Vincennes sous Louis XIV
(D'après un détail d'une gravure de Brissard - 17ème siècle)
   Certains historiens ont pensé que le Roi-Soleil avait eu l'intention d'installer définitivement sa cour à Vincennes. Car, tout comme son lointain prédécesseur Charles V, il avait de bonnes raisons de se méfier des parisiens : il se souvenait, qu'étant enfant, il avait du quitter précipitamment sa capitale lors de la révolte de la Fronde.

   Mais, finalement il optera pour Versailles où son père avait déjà fait élever un petit château.

   Quant au donjon, il deviendra une prison pour de grands personnages (notamment lors de La Fronde). On y retrouvera, entre autres et au gré des temps, le cardinal de Retz, Condé, de Longueville, le marquis de Sade, Fouquet, Latude, Diderot ainsi que Mirabeau...  Et ce dernier aura tout le loisir d'y un écrire un pamphlet contre ... les lettres de cachet !!!
 
   En 1738, des ouvriers qui avaient antérieurement travaillé à la manufacture de porcelaine de Chantilly fondent leur propre entreprise et obtiennent l'autorisation de s'établir dans le château. C'est d'autant plus une réussite... que leurs ateliers bénéficient de la toute puissante protection de la marquise de Pompadour. Alors, moins de vingt ans plus tard, ils s'installent à Sèvres... On connaît la suite.

L'exécution du duc d'Enghien

Ci-contre : colonne commémorative élevée dans les fossés du château, près de la Tour de la Reine.

   En 1804, Napoléon Bonaparte, Premier Consul,  accuse le duc d'Enghien de comploter contre lui. Il le fait enlever (tout à fait illégalement) d'Allemagne où il réside et transférer à Vincennes le 20 mars. Réveillé au début de la nuit suivante, le duc comparaît aussitôt devant un tribunal militaire qui, au bout d'une heure, le condamne à mort. Il est alors immédiatement conduit dans les fossés du vieux château-fort et placé devant une fosse préalablement creusée pour recevoir sa dépouille , près de la Tour de la Reine. Et, là, on le fusille . Plus tard on élèvera une colonne commémorative sur l'emplacement du supplice. Sous la Restauration, Louis XVIII fera exhumer le corps qui reposera désormais dans la Sainte-Chapelle bâtie au 16ème .

Pour obtenir plus d'informations sur les circonstances de l'exécution du duc d'Enghien, il vous suffit de cliquer sur la photo de la colonne commémorative

Sous Napoléon 1er, le château redevient un établissement militaire

   Il abrite dès lors un important arsenal. Toutes les tours, sauf celle du Village, sont arasées au niveau de l'enceinte et deviennent des plate-formes d'artillerie. Créneaux et mâchicoulis disparaissent.

  En 1814, Paris doit se rendre aux alliés. Ceux-ci somment alors le général Daumesnil, gouverneur de Vincennes, de leur remettre la forteresse. Or ce valeureux militaire, amputé après la bataille de Wagram, porte une jambe de bois. Et ses interlocuteurs n'obtiennent pour toute réponse que : "Je rendrai Vincennes quand on me rendra ma jambe!". En 1830, l'intraitable vétéran éconduit tout aussi énergiquement les révolutionnaires: "Je me fais sauter avec le château et nous nous rencontrerons en l'air !!!"Daumesnil restera en poste jusqu'en 1832, date à laquelle il sera enlevé par la grande épidémie de choléra.

   Sous le règne de Louis-Philippe, Thiers entreprend de protéger Paris en faisant élever une enceinte fortifiée, aujourd'hui disparue. Elle se situerait de nos jours entre les deux périphériques, l'extérieur et l'intérieur (ce dernier étant encore appelé boulevard des maréchaux). L'enceinte était elle-même défendue par une double rangée de forts dont certains subsistent encore actuellement, tel celui du Mont-Valérien. Le château de Vincennes devient alors l'un de ces forts. A l'intérieur, ses vieilles murailles sont renforcées par d'épaisses casemates. A l'extérieur, on élève des glacis de terre. Ceux-ci on été détruits depuis.
 

En 1939, la vieille forteresse héberge le Grand Quartier Générale des armées françaises.

   Et c'est donc en sa qualité d'établissement militaire que Vincennes est occupé dès 1940 par l'armée allemande. Celle-ci, avant de se replier, le 24 août 1944, y fusillera 26 résistants et fera sauter une partie du rempart et du pavillon du Roi. Quant à celui de la Reine, il sera incendié.
 
 

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