LE CHATEAU 
 DE CHARLES V
 
2 - La chemise du donjon
L'expression "chemise" désigne l'enceinte propre au donjon. Elle forme un carré mesurant approximativement 50 m de côté. Son mur s'élève à plus de 11m au-dessus du niveau du sol. Mais la présence à sa base d'un talus, oblique et maçonné, double sa hauteur par rapport au fond d'un très large fossé. Toute la base du rempart est percé de nombreuses archères que l'on rencontre aussi au milieu des merlons du parapet extérieur du chemin de ronde. (On appelle "merlons" les intervalles pleins du parapet par opposition aux  "créneaux" qui sont les espaces évidés destinés à faciliter la surveillance de l'adversaire.) 
Photo ci-contre: 
détail de la chemise : 

LES MACHICOULIS 

   Le parapet est supporté par trois niveaux décalés de "consoles". Les espaces vides entre ces consoles sont appelés "mâchicoulis". Ils permettent aux défenseurs de faire tomber toutes sortes de projectiles sur les assaillants ou, encore, de les arroser d'huile bouillante ou, même, de plomb fondu! 

   La toiture d'ardoise qui protège le chemin de ronde n'existait pas à l'origine de la construction. Il en va de même pour les quatre échauguettes d'angle, ces dernières étant originairement surmontées d'une simple terrasse crénelée. 

Le châtelet
  On appelle ici "châtelet" la construction servant à contrôler l'accès à la cour du donjon. Il s'agit des deux tours, autrefois crénelées, qui encadraient primitivement un pont-levis jeté sur le fossé. Disparu depuis longtemps, ce pont-levis est de nos jours remplacé par une simple passerelle. 
   Mais, préalablement, il convient de franchir le pont de pierre supporté par deux arches. A l'origine le parapet de ce pont était crénelé ainsi que ses échauguettes circulaires dont on voit encore le soubassement au-dessus des piles de support. Enfin, par une ultime précaution, une "barbacane",  muraille crénelée rectangulaire extérieurement adossée au fossé et encore renforcée par deux tourelles, contrôlait l'accès au pont! 

   Même en supposant tous ces obstacles franchis, les visiteurs indésirables devaient encore traverser le passage voûté du châtelet, lequel était barré par une "herse" métallique en fin de parcours. Alors pris au piège de "l'assomoir", ils auraient reçu sur la tête les boulets de pierre largués  par les gardes, grâce aux orifices spécialement aménagés a cet effet dans la voûte! 
 

Ci-contre : L'escalier de la tourelle 
 
   A l'intérieur de la cour une élégante tourelle à claire-voie, accolée au châtelet, abrite un bel escalier de pierre desservant le premier étage et la terrasse. 

   L'étage supérieur de l'édifice comporte trois pièces. Celle du milieu est qualifiée "d'étude du roi". C'est l'endroit où travaille le monarque, son bureau en quelque sorte. Ses collaborateurs habituels se tiennent dans les salles situées de part et d'autre, au même niveau, à l'intérieur des deux tours. 

   Une passerelle, aujoud'hui reconstruite en métal, reliait  directement "l'étude" à la "Salle du Conseil" située au premier étage du donjon. Peut-être était-elle réservée au roi ou à ses hôtes de marque? 

   Au-dessus de la terrasse du châtelet s'élevait un campanile comportant une cloche associée à une horloge mécanique. Le campanile et l'horloge n'existent plus mais la cloche a été récupérée et l'on peut y lire l'inscription suivante: 
 
 

CHARLES PAR LA GRACE DE DIEU
ROY DE FRANCE FILS DU ROY JEHAN
ME FIST FAIRE LAN DE GRACE MIL CCC LXIX
IEHAN IOVVENTE MA FACONNEE POVR ORLOGE
SUY ORDONNEE ENTENDES LE HEVRES

Cette installation témoignait d'un énorme progrès technologique qui allait bouleverser des habitudes ancestrâles. En effet, jusqu'à là, on n'utilisait que la "clepsydre"(ou horloge à eau) déjà connue dans l'antiquité. Encore fallait-il la régler quotidiennement : car une antique habitude divisait la durée du jour d'une part, et celle de la nuit d'autre part... en 12 heures chacune! La notion d'heure variait donc contamment, au gré des saisons... !!! 

 
L'invention de l'horloge mécanique

1 - Fontionnement 

   L'avancement de l'aiguille est assuré par la chute contrôlée d'un poids servant ainsi de moteur. Un pendule, appelé "balancier",  régule le mouvement de descente en faisant sauter d'un cran, à chaque oscillation, la roue dentée du "mécanisme d'échappement". Ainsi, l'aiguille avance par petites saccades régulièrement espacées. 

   Parallement, un mécanisme complémentaire associé  commande le battant  d'une cloche  dont le nombre des tintements indique les "heures exactes". 
 

2 - Exploitation de l'invention 

   Dans le courant du 14ème siècle, quelques cités italiennes disposent déjà d'horloges mécaniques. 

   En France, la première machine  connue fut construite sur ordre de Charles V, vers 1370, et installée sur la tour carrée qui appartenait alors à l'enceinte du Palais de la Cité à Paris. Cette tour, qui existe toujours, porte encore le nom de "Tour de l'Horloge" (V. chapitre 1: l'enluminure représentant le Palais de la Cité) . Mais le mécanisme qu'elle abrite ainsi que ses décors ont été refaits à différentes époques 

   C'est d'Allemagne que le roi fit venir l'horloger Henri Vic pour lui confier la réalisation de sa machine. Et, celle-ci terminée, il le logea dans la tour et le rétribua pour assurer la maintenance du mécanisme, avec l'assistance de deux valets. 

   Puis Charles V ordonna au clergé parisien de faire sonner les heures par les clochers de toutes les églises au même moment que la pendule royale. 

   Le souverain fut si satisfait de sa pendule qu'il voulut la même pour son nouveau château de Vincennes 

   Et son contemporain, le poète et chroniqueur Jean Froissart , vanta ainsi les mérites de la nouvelle invention: 
 

"L'orloge est, au vrai considérer un instrument très bel et très notable et c'est aussi plaisant et pourfitable 
car nuit et jour les heures nous aprentpar la soubtilleté qu'elle comprent en l'absence meisme dou soleil dont on doit mieuls prisier son appareil"  
 

Jean Gimpel : La révolution industrielle au Moyen-Age (Editions du Seuil) 
 
 

Ci-dessus : détail d'un dessin du début du 19àme siècle. 
Dans l'angle supérieur droit on voit encore , au sommet du campanile, la cloche mentionnée plus haut. Juste au-dessous, le cadran de la nouvelle horloge qui la pilotait à cette époque. 

  
A Vincennes , un serviteur, logé sur place, avait pour unique mission de remonter le mécanisme de l'horloge et de veiller à son bon fonctionnement. 


Les bâtiments de la cour 
 
A l'origine, on retrouvait, au pied du donjon,  les mêmes sortes de bâtiments que ceux que nous avons déjà rencontrés dans l'ancien manoir de Saint-Louis : 

1 - Le logis du Roi 
   Ce bâtiment à deux niveaux  comprenait "l'étude" déjà mentionnée. Il incluait également une certaine "chambre aux daims" (?). Charles V l'utilisa et mit  à disposition de l'empereur allemand celle dont il disposait dans le donjon lorsque ce monarque lui rendit visite en 1378. 
  
Ci-contre : "lavabo sculpté" 

   Cet ultime vestige du logis subsiste encore: il est encastré dans la face interne du mur d'enceinte, au niveau du second étage. Il permettait d'évacuer les eaux usées directement dans le sol. A cette époque un tel raffinement n'était pas courant : les parisiens, par exemple, jetaient leurs eaux sales par la fenêtre... en se contentant de crier, à l'attention des passants : "Gare à l'eau" !!! 

2 - Une chapelle surmontée d'une flèche 

3 - Un bâtiment abritant une partie des services de "l'hôtel du roi" 

Un texte de 1418 nous apprend qu'on y trouvait, entre autres, la "Panneterie". Mais d'autres services logeaient encore à l'intérieur du vieux Manoir ou dans sa proximité immédiate. 
Toutes ces constructions ont aujourd'hui disparu. 
 

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