LE CHATEAU 
 DE CHARLES V
3 - LA GRANDE ENCEINTE
 
  
  Ajoutée au projet initial, sur ordre de Charles V, elle limite un vaste espace fortifié de forme rectangulaire. Rappelons que son périmètre mesure approximativement un kilomètre! 
 
Les fossés 

Ci-contre : le fossé "nord" dans son état actuel 

Au centre  :  la Tour du Village, la seule à avoir conservé son aspect initial. 
A droite  :  la Tour de Paris 
A gauche  :  la Tour du Réservoir
   La muraille est protégée par de vastes fossés dont la largeur varie entre 25 et 28 m. Leur profondeur actuelle atteint 12 m par rapport au sol mais elle était initialement de 14m. Et le fond était alors empierré car ces fossés étaient remplis par l'eau des sources captées sur les collines de Montreuil. Lorsque le niveau dépassait les 2 m, le trop plein était déversé dans l'étang de Saint-Mandé par l'ntermédiaire d'un vaste égoût voûté dans lequel on pouvait se tenir debout. Les fossés étaient bien empoissonnés ce qui constituait un avantage précieux en ces temps anciens qui multipliaient les jours d'abstinence. 
Ci-contre : le fossé "Est" dans son environnement actuel 

   Le chemin de ronde médiéval qui le dominait ainsi que ses mâchicoulis, et ses créneaux ont disparu. Il en va de même pour les archères. Quant à la tour rectangulaire située à l'extrême gauche, elle a été arasée. 
 

   Par contre, sur la partie droite de la photo, on observe de grandes embrasures créées au 19ème siècle pour permettre les tirs d'artillerie. (Voir, à ce propos, le dernier chapitre) 
 

     
    La guerre de siège 
    vue par Christine de Pisan 
    dans  
    Le Livre des Faits et Bonnes Moeurs 
    du roi Charles V le Sage
      

    ""... pour protéger le château contre les travaux de sape, les projectiles ou autres engins, les fossés doivent être si profonds qu'on ne puisse creuser aucun tunnel en-dessous... . Les assiégés doivent guetter du plus haut des tours pour observer si on ne transporte pas de déblais ou si aucun signe ne trahit la construction d'une mine (1). Ils doivent écouter les murs en guettant d'éventuels coups de maillet et, s'ils en entendent, ils doivent commencer des travaux de contre-mine en s'efforçant d'attendre le tunnel ennemi: là ils devront combattre avec ardeur pour arrêter ces travaux de sape. Ils doivent aussi garder à l'entrée de leur propre tunnel  de grandes cuves d'eau et d'urine: quand ce sera le moment de combattre, ils devront faire semblant de fuir et sortir du tunnel; une fois dehors ils pourront déverser toute cette eau et urine dans le souterrain et noyer les sapeurs. On a souvent recours à la force de l'eau en pareil cas. Très souvent aussi, on a vu que les assiégés, guettant une défaillance momentanée dans la vigilance des ennemis, ont su les surprendre en faisant une sortie en force et en règle, pour brûler les engins de guerre (2) des assiégeants. Toutefois, si l'on n'ose pas faire une sortie, il faut descendre des hommes pendant la nuit à l'aide de cordages: ceux-ci pourront mettre le feu avec de l'huile et des étoupes (3), puis remonter à l'abri. On peut aussi faire des flèches creuses pour y mettre des matières très inflammables, à base d'huile, de souffre, de poix noire  et de poix  résine (4): on les entoure d'étoupe et on les envoie à l'arbalète sur les engins ennemis; si on a le temps de les lancer en grande quantité, il sera étonnant de ne pas parvenir à mettre le feu à tous ces engins. On peut aussi détruire ceux-ci à l'aide d'un trébuchet (5) chargé de fer fondu : on allume un feu à proximité et on y fait fondre des anneaux de fer. C'est ce fer tout brûlant que l'on envoie sur les engins des assiégeants... .  

    1) La mine conduit les assaillants sous la muraille. Arrivés  là, ils creusent une cavité dont ils provoquent ensuite l'effondrement, par le feu (ou l'explosion de la poudre dont ce fut l'un des premiers usages) afin d'ouvrir une  brèche dans l'enceinte                                                   

    (2) Parmi ces engins on trouve, par exemple : 
       - de hautes tours en bois montées sur roues (les "beffrois") que l'on rapproche des murailles des assiégés 
       - des balistes et des catapultes actionnées par la tension d'une corde  

    (3) Déchets combustibles de lin ou de chanvre.  

    (4) Produit résineux tiré du pin ou du sapin.  

    (5) Gros engin mécanique de jet actionné par un puissant contrepoids. 

    Extrait du "Livre des Faits et Bonnes Moeurs du roi Charles V le Sage 
    (Présenté par Eric Hicks et Thérèse Moreau - Stock Ed.) 
     
     
 
Les courtines 

Cette vieille gravure du 16ème siècle est très instructive car elle nous donne une idée précise de ce qu'était la forteresse de Charles V (Les bâtiments "civils" ou "religieux" n'y figurent pas). 
 
 

 
   Les "courtines" sont les sections de muraille situées entre deux tours d'enceinte. Leur épaisseur moyenne est de 2,60 m et leur hauteur de 19m (par rapport au fond actuel des fossés). 

   On remarque, au centre de chaque section, un avant-corps légèrement saillant. Il comporte une archère située au niveau du sol intérieur. Cette disposition permet de viser facilement le bord opposé du fossé. Deux autres archères, au moins, prennent place de chaque côté de l'avant corps; leur nombre varie selon la longueur de la courtine concernée. Au total, pour toute l'enceinte, on estime à 54 le nombre de ces archères. Au 15 ème siècle, certaines archères des courtines, mais aussi des tours, comportent, en outre, une ouverture ronde permettant l'utilisation des premières armes à feu telles que les couleuvrines. 

   A l'origine, la muraille est coiffée d'un chemin de ronde identique à celui de la chemise du donjon avec mâchicoulis, créneaux et merlons. 
 

Les 9 tours d'enceinte 

   Lors de leur construction, les neuf tours de la grande enceinte se dressaient à 40 m, ou même plus, au-dessus du fond primitif du fossé. Et elles dépassaient d'au moins 20 m le chemin de ronde des courtines, lequel n'était d'ailleurs accessible qu'à partir d'elles-mêmes. 

   A l'exception de la tour du Village, toutes les tours ont été arasées au début du 19 ème siècle afin de pouvoir servir de plates-formes d'artillerie. Leur hauteur a été ramenée à celle des courtines, celles-ci ayant simultanément perdu mâchicoulis et crénelage. 

   Sous Charles V, des ambassadeurs étrangers émerveillés qualifient la tour du Village de "grande et belle forteresse, dans laquelle est un palais très grand et beau".Et, contemplant le donjon et les 9 tours de l'enceinte, ils affirment avoir vu  "10 forteresses" ! Un autre visiteur, sans doute perturbé par ses sentiments admiratifs, avait, lui, réussi à admirer..."un chastel  à onze  (???) grosses tours hault comme clochiers". 

Les 3 tours-portes 

   Dotées de pont-levis, elles contrôlaient les entrées et les sorties des personnes, des animaux et des attelages. 
 

La Tour du Village 

   C'est la plus volumineuse de toutes les tours. Large de 20 m, elle offre une surface habitable de 185m2 à chaque étage. 

   Un pont dormant à deux arches enjambe la plus grande partie du fossé. Il est actuellement prolongé par une passerelle métallique. Celle-ci a remplacé le grand pont-levis médiéval dont les bras de la machinerie s'encastraient dans les deux rainures verticales encore visibles au-dessus du grand portail. Plus à gauche, une autre rainure, unique, abritait le bras du petit pont-levis réservé aux piétons. 
   Egalement au-dessus du grand portail, on remarque d'élégantes niches qui abritaient autrefois de belles statues. De hautes et larges fenêtres contribent également à décorer la façade. La tour portait une terrasse en encorbellement avec mâchicoulis, créneaux et merlons 

- La Tour des Salves  

   Comme la Tour du Village, la Tour des Salves était l'une des trois tours-portes donnant accès à la cour du château. 

   La grille moderne du premier plan masque presque totalement la passerelle métallique qui a remplacé l'antique pont-levis. Mais, comme pour la Tour du Village, les deux rainures verticales qui abritaient les bras de la machinerie subsistent toujours au-dessus du portail. Et, là-aussi, on constate la présence de deux niches qui ont perdu les statues qu'ils abritaient. 

   La comparaison avec la Tour du Village montre l'ampleur de l'arasement pratiqué au début du 19ème siècle, si l'on a présent à l'esprit que les deux édifices avaient approximativement la même hauteur! 
 

- La Tour du Bois 

   Cette troisième tour-porte a été élevée à l'opposé de celle du Village à laquelle elle ressemblait initialement. Mais, dés le 17 ème siècle,  elle est complètement remodelée par l'architecte Le Vau lorsqu'il recontruit la partie méridionale  du château (Voir le chapitre intitulé: Les pavillons de Le Vau). 
 

   Arasée, coiffée d'une terrasse à balustrade, décorée d'un fronton triangulaire et aérée par de larges ouvertures, la vieille tour devient méconnaissable. 
 

   Si le fossé subsiste, en revanche, un pont fixe en pierre, a remplacé l'antique pont-levis. Mais, bizarrement, on a conservé au-dessus de la porte les deux évidements verticaux autrefois nécessaires au fonctionnement de ce pont-levis.

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